L'Église à la croisée des chemins
Parler d'une croisée de chemins, c'est parler d'un choix. Dire que I'Eglise se trouve à la croisée des chemins, c'est dire que l'Eglise peut et doit choisir. Nous devons donc commencer par la question : L'Eglise possède-t-elle encore une certaine liberté de choix ?
Pour la plupart de nos contemporains, la réponse à cette question est simple et claire. Ils considèrent que l'Eglise est devenue si dépendante du monde et des forces historiques qui se sont déchaînées dans ce monde que sa destinée lui sera dictée du dehors. En discutant son avenir, on ne discute pas ce que I'Eglise est, ni ce qu'elle fait, mais plutôt ce que le monde pense d'elle et fera d'elle. On discute sur l'Eglise sans compter avec l'Eglise. On se fait une image optimiste ou pessimiste de son avenir, sans se soucier de ce que l'Eglise elle-même sait dire de sa propre mission. C'est ce qu'on appelle I'objectivité.
Assistons pendant quelques moments à un tel débat d'observateurs soi-disant objectifs sur I'avenir de I'Eglise. Le défenseur de la thèse que l'Eglise n'a plus d'avenir tient le langage suivant :
L'Eglise a rendu des services considérables à I'humanité. Elle a été l'éducatrice des peuples occidentaux et a contribué puissamment à la naissance et à la conservation de la civilisation européenne. Elle a adouci les mœurs, élevé les esprits, donné une âme à l'Europe. Sans elle, ni la pensée, ni l'art, ni la vie politique n'auraient pu atteindre les sommets qu'ils ont atteints dans l'Occident. Mais la reconnaissance des gloires de son passé ne nous engage pas à croire à son avenir. Car il faut bien le dire : l'Eglise n'a pas réussi à rendre les mêmes services à l'Europe des derniers siècles qu'elle a pu rendre à l'Europe du Moyen Age ou des premiers temps de la Réforme. L'Eglise a cessé d'être la créatrice de nouvelles formes de la civilisation. Elle a cessé d'être la conductrice spirituelle des nations. Aujourd'hui, elle vit en marge des grands courants qui façonnent la vie des hommes. L'homme moderne ne cherche plus sa nourriture morale dans l'Eglise. Rendez-vous compte du fait que, depuis Bâle jusqu'à Vladivostok, les hommes subissent l'influence quotidienne de gouvernements qui sont ouvertement hostiles à l'Eglise. Hitler n'a-t-il pas dit : « Je vous garantis que, si je le veux, j'anéantirai l'Eglise en quelques années ; tout cet appareil religieux est creux, fragile et mensonger. Il suffira d'y porter un coup sérieux pour le démolir » ? Et Staline n'a-t-il pas réussi à déchristianiser la « sainte Russie » jusqu'au point qu'on n'y trouve presque plus d'Eglises ouvertes ?
Regardons encore dans d'autres directions. Je prends l'Editorial qui vient de paraître dans une des revues les plus répandues des Etats-Unis et j'y lis : « La conduite spirituelle a passé des mains de l'Eglise aux laïques actifs et pratiques, c'est-à-dire aux hommes d'Etats, aux pédagogues, aux journalistes, aux hommes de lettres et aux hommes de science. Ce qui revient à dire qu'il n'y a plus de vrais conducteurs spirituels chrétiens. C'est pourquoi l'avenir du christianisme est en danger. » Ou voulez-vous des exemples tirés de l'expérience missionnaire des dernières années ? Il semble bien que le temps des grandes conquêtes en terre païenne soit passé. Ne voyons-nous pas que certains pays où les missions ont travaillé depuis des décades ferment aujourd'hui leurs portes aux missionnaires ? Et n'assiste-t-on pas aux Indes, au Japon, en Iran, à un grand renouveau national qui prend la forme d'un retour aux vieilles traditions religieuses et d'une hostilité très active contre les jeunes Eglises chrétiennes ?
Ne faut-il donc pas tirer Ia conclusion que les grands jours de I'Eglise sont passés ? Ne perd-elle pas son emprise sur toutes les catégories d'hommes qui créent la vie de leurs peuples : les intellectuels, les travailleurs, les jeunes ? N'y aurait-il donc pas du vrai dans Ia thèse du livre allemand, qui porte le titre significatif, Post Chrisfum, et gui affirme que l'ère chrétienne est passée et que nous entrons dans une ère post-chrétienne dans laquelle le christianisme deviendra de plus en plus un souvenir et dans laquelle les quelques restes de I'Eglise qui pourraient encore survivre deviendront de plus en plus une secte qui sera ou bien persécutée ou bien oubliée ?
Mais il est temps de donner Ia parole à celui qui croit à l'avenir de l'Eglise et qui va essayer de réfuter la thèse gui vient d'être développée.
(Début du texte de Willem Adolph Wisser't Hooft)
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